Eglise catholique et élections en Côte d’Ivoire, quel lien et quels comportements adopter ?
J’introduis en disant que si cette question nous revient à chaque période électorale, c’est parce que la doctrine sociale de l’Eglise qui est essentiel à la pratique de la foi catholique n’est pas bien connue. De ce fait, ma présentation se fera en trois points et s’inspirera de la doctrine sociale de l’Eglise catholique.
Je clarifierai d’abord les termes du sujet ; ensuite j’aborderai le lien entre Eglise catholique et élections et enfin le comportement du chrétien catholique dans le processus électoral.
Clarification des termes
Eglise catholique : Confession religieuse fondée sur la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité et lié à l’autorité du Pape, successeur de St Pierre le chef des apôtres.
Elections : C’est la désignation, par le vote d’électeurs, de représentant destiné à occuper une fonction en leur nom.
Élections en Côte d’Ivoire : En effet, une bonne analyse de notre présent, s’enracine dans notre histoire, avec pour objectif de nous préparer un meilleur futur. L’histoire électorale de la République de Côte d’Ivoire est entachée de violences et de morts. 2010-2011, fut le point culminant de cette culture de violence et de mort. Une analyse historique révèle que les populations se sont très souvent laissés manipuler par des politiciens, assoiffés de pouvoir et déguisés en sauveurs de la population. Ainsi, dans les processus électoraux, les populations ont été des actrices de violence et au terme des violences, les victimes de leur propre violence.
Lien entre Eglise catholique et élections
L’Eglise catholique est partie intégrante de la société. Ses adeptes les chrétiens catholiques sont des citoyens. De ce fait elle n’exclut pas les prises de position objectives et justes des chrétiens pour le bien commun de la société dont ils sont membres. Ainsi l’Eglise catholique, composée de citoyens et citoyennes, est liée au processus électoral à deux niveaux: un lien de devoir citoyen en raison de ses adeptes et un lien de médiation en tant que personnalité juridique, autorité morale, liée à aucun système politique. (Gaudium et spes No 40-44).
Le pape Benoît XVI aide à clarifier la posture de l’Eglise dans le champ politique lorsqu’il écrit : « L’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer » (Benoît XVI, Deus caritas est n°28). L’Eglise catholique, comme institution, intervient pour éclairer la conscience des chrétiens et des citoyens et citoyennes de bonne volonté.
Comportements du chrétien en période électorale
Pour le chrétien, il n’y a pas seulement des vérités à croire, mais aussi des vérités à mettre en pratique qui sont contenues dans la doctrine sociale de l’Eglise, fondée sur la charité. Voici dix pierres de construction sur lesquelles repose la doctrine sociale de l’Eglise :
- le principe de la dignité de la personne humaine ;
- le principe du respect de la vie humaine ;
- le principe d’association ;
- le principe de participation ;
- le principe de la protection préférentielle des pauvres et des personnes vulnérables ;
- le principe de solidarité ;
- le principe de gérance ;
- le principe de subsidiarité ;
- le principe de l’égalité humaine ;
- le principe du bien commun.
Ce sont ces principes qui doivent guider et orienter le chrétien catholique dans son discernement de l’attitude et des comportements à adopter en période électorale (Gaudium et spes No 43). En effet, l’adhésion à un parti politique ne peut dispenser d’un discernement sérieux qui, pour un chrétien, trouve ses éléments de référence dans une éthique personnelle informée par l’Evangile et dans la Doctrine sociale de l’Eglise.
1. Adopter la non-violence active : Il s’agit de dire non à tout acte, parole ou attitude pouvant porter atteinte à l’intégrité de toute vie humaine, de tout bien publique ou privé. La Non-Violence selon Gandhi est une attitude qui consiste à refuser toute pensée, toute action toute institution qui porte atteinte à la vie ou à la dignité d’autrui. La non-violence est une manière d’être en relation qui favorise le dialogue et la médiation dans une approche constructive des conflits et qui peut se traduire par des actions individuelles ou collectives.
2. Participer activement au processus électoral : Comme le rappelle le Catéchisme de l’Eglise catholique : « La soumission à l’autorité et la coresponsabilité du bien commun exigent moralement (…), l’exercice du droit de vote, la défense du pays » (N° 2240). Voter est donc un acte citoyen qui, pour le chrétien comme pour tout citoyen, réclame un nécessaire discernement.
3. Se respecter mutuellement : A toutes les étapes du processus, le chrétien est appelé à prendre une part active, dans l’acceptation et le respect de l’autre dans sa différence, afin d’être soi-même accepté et respecté par l’autre.
4. Se conformer au but des élections : Les élections sont faites pour consolider la paix et la cohésion sociale, afin de créer un environnement favorable à l’épanouissement de toute la population. Les chrétiens sont en droit d’interroger un projet politique qui mettrait en œuvre des processus d’exclusion et de discrimination.
5. Savoir analyser avant d’agir : Tout programme politique, tout discours, toutes actions de politiciens ou de leurs partisans, de guides religieux ou de tout citoyen ou ami de la Côte d’Ivoire, doit être évalué à la balance du « Bien commun » : Ensemble des conditions sociales qui permettent à tous de réaliser leurs pleins potentiels humain, spirituel et matériel. Les critères d’évaluation sont la Justice, la Paix, la Réconciliation, la Cohésion sociale, l’intégrité humaine…
6. Pratiquer le civisme : Les chrétiens de tout bord sont appelés à apprendre l’art de vivre ensemble sur un territoire donné, dans le respect des règles justes établies.
De ce fait dans le processus électoral les chrétiens sont invités à respecter les institutions de la république et les autorités qui les incarnent ; respecter et préserver les biens publics et privés ; accomplir son devoir de vote et tout autre acte, avec discernement à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise.